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L’histoire du Tourisme à Menthon - 4 / Les Bains

  • Publié : 14 avril 2023

LE TOURISME A MENTHON-SAINT-BERNARD

LES BAINS DE " PLEINE EAU " A MENTHON-SAINT-BERNARD

Texte de Jean-Claude Vernex

Aujourd’hui, les rives lacustres sont une ressource indéniable pour Menthon : résidents, non-résidents, touristes voire habitants de la vaste agglomération annecienne se pressent sur ses rives, parfois quelque peu sursaturées !

Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Par le passé, un vaste espace agraire descendait jusqu’au lac, où un vague sentier, parfois, ourlait ses rives. Trois à quatre petits " ports " servaient au transport de marchandises et à l’accès au lac, munis d’un simple plan incliné (barque à fond plat) : la Muraz, le Port d’Alex, le Port du Biollon, voire le Port de presles. Autrement : rien… de la friche naturelle.

En fait, on se méfiait du lac. Pas d’habitat (mauvais air, eau stagnante, humidité), fraîcheur de l’eau… Ne disait-on pas à Menthon : " quand il y a de la neige sur la Tournette, ne mets pas les pieds dans l’eau " ?
Pourtant, on pouvait prendre un bain-fraîcheur de temps à autre, souvent depuis une barque en cas de forte chaleur, se laver parfois. Quant aux enfants, ils ont toujours et partout fait preuve d’un véritable atavisme de l’eau pour leurs jeux, leurs amusements, … comme le souligne le curé de Veyrier (lors de l’enquête de Mgr Rendu en 1845) : " Les enfants ont la mauvaise habitude de se baigner sans vêtement ". Pourquoi pas à Menthon ?

Mais de nouveaux comportements apparaissent dès le XIXe siècle. Quelques originaux, extérieurs au milieu local, se livrent harnachés de la tête aux pieds, aux " bains de pleine eau " (comme on les appellent alors) ou bien à la natation. Hippolyte Taine en particulier. Il achète une maison à Menthon sur les conseils d’un ami parisien et y demeure de 1877 à 1893. On nous dit à son propos : " qu’il remplace de temps à autre ses promenades par des bains, de la natation, … ". Est-il le seul, parmi les personnalités qui viennent le voir, à oser ces nouveaux comportements ? Il est vrai que la natation est à la mode dans les grandes villes depuis le début du XIXe, voire la fin du XIXe siècle (Paris, Genève, …). De même que l’hydrothérapie en milieu naturel (bains " froids ") comme à Annecy, dès 1876.
A Annecy, d’ailleurs, un frémissement touristique se fait sentir dès les années 1860-70. La " Couronne de Savoie " commence sa navigation quotidienne ; le chemin de fer, apportant nombre de curistes curieux depuis Aix-les-Bains, arrive en 1866 à Annecy. Quelles répercutions pour Menthon ?

Dans les années 1860-1868, on construit un ponton pour bateau relié à la rive par une passerelle en bois, puis en pierre. On redécouvre la source réaménagée en 1884 à proximité du lac dans un pavillon de style pseudo-mauresque… On s’intéresse essentiellement au port du Biollon avec l’érection du Pavillon des fleurs (1895), café-glacier appartenant à la famille Portier, de style italianisant avec toit-terrasse permettant une vue dégagée sur le lac et les montagnes. On plante des arbres sur une petite place en avant du ponton, on construit un plan incliné pour la dépose des barques, et l’on facilite l’arrivée des touristes qui vont aux bains (arrivée par bateau) en ouvrant un chemin empierré du port du Biollon à l’établissement des Bains en 1899, planté également d’arbres. Ce chemin, tout à fait dans l’air du temps, ouvre le lac et ses montagnes au tourisme de l’époque, à savoir du tourisme contemplatif.

Au tout début du XXe siècle, Menthon s’ouvre au tourisme avec la construction de quelques hôtels et du Palace, selon le modèle suisse, premier palace sur les bords du lac d’Annecy dû aux frères Gruffaz (1908), ceux-ci acquérant par la suite des terrains jusqu’en bordure de lac (1914).

Quoi qu’il en soit, durant tout le XIXe siècle, comme l’écrira André Chevrillon, neveu de Taine, vers 1880 : " Les étrangers n’avaient pas encore posé leurs villas… Le tourisme, les sports étaient inconnus. Les bonnes gens d’Annecy, le dimanche, ne songeaient pas à sortir de la ville ". La clientèle du Palace et des Bains venait par bateau et ne s’éloignait pas de la " promenade ". Rarissimes étaient les " vrais " baigneurs.

Mais tout va changer durant l’Entre-Deux-Guerres. L’essor des loisirs lacustres se fera de l’autre côté du Biollon, au nord, en direction de Presles. 1922-23 : on décide de prolonger la fameuse " promenade " (Port du Biollon-Palace) du côté de Presles. Il est vrai qu’en 1924 se crée la " Société immobilière savoyarde ", du banquier parisien Mr Maillot. Dans des terrains libres (" l’Avullon "), sur une dizaine d’hectares, il construit 16 villas destinés à la location saisonnière. Ces premières résidences secondaires, dans un style " savoyard ", ne devront pas gêner la vue sur le lac et les montagnes. Elles auront, le long de la promenade, pontons pour bateaux et, nouveauté à Menthon, un embryon de plage privée au port de Presles. Comme l’indique Léandre Vaillat en 1933 : " sur la plage, un bâtiment simple abrite les cabines des baigneurs, où ils garent leurs bateaux pendant l’hiver ". Ce sont, encore une fois, les estivants de l’extérieur (Parisiens, Lyonnais, …) qui introduisent ces nouvelles pratiques…. " Tritons et naïades ", comme ils s’appelleront ! 
En revanche, bien penser aussi que la mode des bains de pleine eau s’accompagne à cette époque de la mode des bains de soleil, voire de bronzage qui devient incontournable à partir de 1926 (modèle de Juan-les-Pins). Or cette dernière mode va obliger, progressivement et au grand dam de la société locale effarouchée, au raccourcissement du maillot ! La mode du corps de plus en plus dévêtu prend naissance.
D’où la réaction du Maire de Menthon :

Signalons qu’en 1934, d’autre part, les loueurs des Villas Savoyardes créent une association (" les amis de Menthon ") dédiée à l’embellissement de la commune. Elle sera à l’origine : des bordures en ciment, des corbeilles et vasques de fleurs fixées sur le mur, le long de la promenade face aux villas. Enfin en 1935 la municipalité décidera du goudronnage de la route du Port (Biollon), de la route des Bains et de l’ensemble de la promenade d’Orlyé.

Après la Deuxième Guerre, les rives vont devenir la ressource incontournable. Certes plusieurs hôtels cesseront toute activité. Le Palace continue à développer sa petite plage. Selon le " Guide Touristique Historique " de Menthon (1950) : " le Palace-Hôtel (gère) la piscine des Bains, la plage, les jeux et concours organisés pour leurs joies et leurs rires (des enfants) ". A l’opposé, la municipalité acquiert des terrains libres entre la petite plage de Presles et les Villas Savoyardes dès 1959. Elle inaugure la plage (municipale évidemment !) en 1961. Quant à la promenade d’Orlyé, elle voit son aspect bouleversé : résidences secondaires, pontons pour la navigation lui donnent son allure d’aujourd’hui. La création de la bande de rives (bouées jaunes) interviendra en 1991 et officialisera la zone de protection des 100 mètres sur tout le pourtour du lac.

Aujourd’hui les rives de Menthon se partagent entre les adeptes de la plage (1/3) et ceux, incontournables, zélateurs d’espace de liberté totale pour toucher l’eau et s’étendre au soleil (2/3). Comment gérer ce néo-tourisme séduit par l’attractivité de l’eau et du soleil ?