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La vigne à Menthon-Saint-Bernard

  • Publié : 22 juillet 2022
  • Mis à jour : 29 septembre 2022

Les années 600 à 1400
La culture de la vigne a toujours tenu une place prépondérante sur les coteaux de la rive droite du lac dont Menthon-Saint-Bernard. La famille de Menthon possédait le plus gros patrimoine de la paroisse. Les vignes seigneuriales pouvaient produire environ 300 hectolitres de vin par an, ce qui faisait du château le plus gros fournisseur en vin de la ville d’Annecy et des paroisses environnantes. Dès 1100, le climat devint plus doux et ensoleillé. Les cultures favorisées par ces températures clémentes devinrent plus productives. Des bois furent alors essartés, augmentant ainsi les surfaces cultivables de champs et de prairies. Ce changement de climat fut surtout bénéfique à la vigne. Les ceps grimpèrent un peu plus haut sur les coteaux. Les sols mieux bonifiés et mieux ensoleillés permirent d’augmenter la production viticole en quantité mais surtout en qualité. Au fil des siècles, les paysans de Menthon étaient devenus avec le temps des vignerons compétents, leurs terres exposées au soleil produisaient un vin se vendant assez bien à Annecy, Thônes et Montmin.


Les années 1500 à 1850
Les années de 1550 à 1850 ne ressembleront pas aux siècles précédents avec un climat favorable pour les cultures. L’Europe subira un climat qui sera dénommé « périodes d’un petit âge glaciaire ». La Savoie connaîtra des printemps tardifs avec des gelées persistantes, des étés courts et peu propices à une bonne maturation de la vigne, des automnes bien froids et des hivers interminables avec une neige abondante. Sur les bords du lac d’Annecy, assez rares étaient les années où les raisins bien mûrs donnaient un vin agréable à boire. Durant ces deux siècles (XVIIe et XVIIIe) le lac se trouva gelé plusieurs fois. Les vignerons locaux ne possédaient que rarement de parcelles agraires et travaillaient principalement les vignes du clergé mais aussi celles des nobles et des bourgeois, sous la forme de métayage. Cela leur permettait de vivre à peu près honorablement mais au prix d’un travail acharné.

En général, lors d’un contrat de métayage, le maître passait avec le preneur un contrat de 3, 6 ou 9 ans et la moitié de la récolte. Dans les territoires les plus riches, comme Talloires, Veyrier, Menthon, Annecy-le-Vieux, le maître pouvait prendre jusqu’aux ¾ de la récolte. Le vigneron s’engageait à tailler, provigner (rénover les plans de vigne par marcottage), piocher, rebiner au temps dû et de saison, à remonter la terre au plus haut tous les 3 ans. Les vendanges se faisaient à ses frais et il pressait lui-même le raisin avant le partage. Lui incombait aussi divers services d’entretien du matériel, cerclage des barils et surtout de nombreux charrois : voiturage de la vendange et des tonneaux vides ou pleins, transport du fumier et des échalas fournis par le propriétaire. Certaines statistiques du département relatent que « sur les vignes du bord du lac d’Annecy, quelques vignes très belles, très productives et bien traitées sont à la hauteur de celles de Bourgogne ».

A Menthon, le sol calcaire est propre à la vigne, celle-ci avait un bel aspect. C’était aussi le résultat d’un travail intensif et aussi le fait que le vignoble accaparait la plus grande partie du fumier que le village produisait. Bien avant les vendanges, au moment où les grappes commençaient à mûrir, des gens étaient nommés pour surveiller les vignes. Toutes les années vers le 25 août, le conseil de la communauté, composé du syndic, des conseillers, du secrétaire et du châtelain représentant le Comte, procédait à ces nominations. Les garde-vignes avaient chacun une rémunération, salaire versé par les propriétaires. Le Comte possédait un droit auquel il était très attaché. Chaque année au moment adéquat, les dates des vendanges étaient proclamées solennellement au prône du dimanche « le ban des vendanges ». Ces dates étant décidées, le Comte jouissait du droit de vendanger quelques jours avant les autres exploitants. Au XIXe siècle, on estimait le rendement du vignoble à environ 20 hectolitres à l’hectare et ceci avant le phylloxera. Les vendanges étaient tardives à Menthon et les travaux de vinification duraient jusqu’à fin décembre. On commençait alors la distillation du marc de raisin grâce aux 15 alambics existant dans la paroisse, 6 au village, 4 aux Moulins, 4 à Ramponnet et 1 à Presles. Une quantité d’eau de vie assez importante pouvait être fabriquée.

Durant les années 1794 de la révolution, les Menthonnais avaient, toutes les années, le souci de remédier pendant quatre mois aux difficultés provenant du manque de céréales pour eux et de foin pour leur bétail et ce n’était pas une mince affaire. Aussi ils devaient apporter beaucoup de soins à la vinification de leur récolte s’ils voulaient continuer à vendre à un prix convenable leur production aux bourgeois et cabaretiers d’Annecy ainsi qu’aux éleveurs de bétail des proches vallées.

Ainsi, sans difficultés début 1814, lors de l’avancée des troupes autrichiennes, le Service des Armées de Napoléon réquisitionna 240 litres d’eau de vie à Menthon et 120 litres en février. Avant la retraite générale des troupes françaises, le Service des Armées réclama 4800 litres de vin, la population rechigna : elle avait peur de ne pas être payée et certains petits exploitants n’ayant plus de vin durent en acheter. Le conseil municipal estimant que les producteurs demeurant hors de Menthon n’avaient livré aucune quantité d’eau-de-vie, exigea cette fois-ci qu’ils fussent mis à contribution, ce qu’ils acceptèrent.

Les 4/5e du produit des vignes sont exportés dans la vallée de Thônes et à Annecy, et à l’inverse Menthon s’approvisionne en blé nécessaire à la consommation des habitants. Pour remédier au besoin de transport grandissant depuis et vers Menthon, entre 1817 et 1860, des travaux importants vont être menés comme la construction de la nouvelle route d’Annecy-le-Vieux à Doussard et la mise en largeur suffisante du chemin de Menthon au col de Bluffy. Nombreuses sont les maisons de vignerons à Menthon telles celles du Passage des Enclos aux Moulins. Elles sont caractéristiques avec leurs escaliers extérieurs protégeant les entrées des caves. Les habitants logent à l’étage. Il était une question intéressante : quelle était au juste la qualité des vins de Menthon aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles ? Ils s’avèrent que les vignerons savaient distinguer les bonnes des mauvaises années : le vin se vendait mieux les années où les clients le trouvaient bon, c’est-à-dire les années d’excellente maturation. Menthon vendait son vin d’abord à Annecy puis dans le Val de Thônes, à Montmin et ses environs. Les vins rouges de Talloires, Menthon et Veyrier étaient des crus locaux réputés, de même que le vin blanc de Lovagny : ils ont presque tous disparu. On peut retenir que ce vin de Menthon pouvait avoir un petit goût aigrelet, qualité assez estimée des vignerons de Menthon.

De 1860 au XXe siècle
La période de l’annexion de la Savoie à la France en 1860 fut aussi la période de changements importants à Menthon : abandon progressif de la culture de la vigne remplacée par l’élevage bovin et la production laitière, installation nationale du chemin de fer facilitant la venue de familles aisées, surtout parisiennes, construction d’hôtels et de maisons secondaires. Ces changements se firent lentement mais de façon inexorable. Vers la fin du XIXe siècle, à partir de 1860 et à la suite de l’arrivée du phylloxéra (puceron parasite s’attaquant à la racine des ceps) en Europe, les vignerons de la région furent durement touchés par cette maladie ainsi que par la concurrence des vins venant du sud de la France. Les vignerons se tournèrent alors vers l’élevage et la production laitière. Ce changement n’apporta pas une réelle aisance financière car les prairies de Menthon ne permettaient en général qu’un élevage d’une ou deux vaches par famille. Pour combattre le phylloxéra, il fallut arracher les plants locaux et les remplacer par des plants américains sur lesquels les vignerons greffèrent des plants locaux. Dès 1888, Menthon demanda de créer dans la commune une école de greffage afin de donner aux vignerons de bonnes notions de travail.
De plus, l’arrivée du chemin de fer facilita le transport rapide et économique des vins du sud de la France, supérieurs en qualité aux vins savoyards. A cette calamité s’ajouta une pénurie des récoltes causée par de mauvaises conditions climatiques. Une statistique communale fut établie pour obtenir de sérieux dégrèvements d’impôts telle qu’elle fut présentée par le conseil municipal :
1908 : 2965 hectolitres de vin
1909 : 853 hectolitres de vin
1910 : 41 hectolitres de vin
A partir de 1913, les vignes arrachées furent transformées en pâturage et prairies surtout sur les terres en pente. Les vignerons se transformèrent peu à peu en éleveurs de vaches laitières. Cependant plusieurs quittèrent Menthon pour trouver un travail plus rémunérateur à Annecy, Paris ou ailleurs. Ce fut l’amorce du déclin de la vie rurale.

Du XXe siècle à nos jours
La commune accumula de sérieux handicaps en passant de l’activité viticole à celle tournée vers l’élevage. Elle ne possédait pas les avantages purement montagnards propices aux vaches laitières et aux fabrications fromagères. Elle n’était pas non plus pourvue en riches terres agricoles fertiles pour la culture céréalière. Les terres du vignoble menthonnais situées en partie sur des pentes ne pouvaient être facilement transformées en prairies ou champs de culture. A la fin de la grande guerre on pouvait compter environ 50 fermes mais en 1935, elles n’étaient plus que 28 pour tomber à 7 en 1938. C’est le début de l’exode rural et l’apparition du tourisme. La commune attira de plus en plus les citadins à la recherche de tranquillité et de panoramas imprenables. La présence séculaire de la vigne dans les paysages a laissé une empreinte indélébile dans la mémoire du village.

En 2017, la famille de Menthon décide de redonner vie à ces vignes à travers un projet ambitieux. Il s’agit d’en réintroduire au pied du château mais aussi de mettre à disposition du public, et en particulier des écoliers, un appareil pédagogique mettant en lumière l’histoire rurale de notre région. L’association « Clos du château » est créée dans le cadre de la conservation du patrimoine viticole et de la culture de la vigne sur les coteaux du château de Menthon. Les Menthonnais et les passionnés de la vigne peuvent devenir des « amis de l’association » en adhérant et parrainant un pied de vigne numéroté.
Cette réintroduction de la vigne au Château et la donation d’un pressoir à la commune de Menthon-Saint-Bernard ont motivé le choix de la commission municipale Patrimoine et Culture d’organiser les Journées européennes du patrimoine 2021 sur la thématique de la vigne. Elles ont permis de se souvenir de l’importance de l’activité vigneronne qui fait partie de l’histoire du village et de faire un trait d’union entre passé et présent.

Source : Histoire de Menthon-Saint-Bernard, Constant de Bortoli, éd. Académie Salésienne, 2008